Les risques de la grippe A (H1N1) chez la femme enceinte
Dès les premières semaines de la pandémie grippale à virus A (H1N1), il est apparu que les femmes enceintes étaient particulièrement exposées aux complications graves de cette infection. Ainsi sur les 1 088 premiers patients hospitalisés ou décédés aux Etats-Unis au cours des 3 premiers mois de l’épidémie, 10 % étaient des femmes enceintes alors qu’elles ne représentent qu’un peu plus de 1 % de la population aux Etats-Unis.
Pour mieux préciser ce risque et déterminer quels étaient les facteurs favorisants une forme grave chez la femme enceinte, une équipe californienne a entrepris une étude sur toutes les femmes en âge de procréer (âgées de 15 à 44 ans) admises dans les hôpitaux de Californie pour une infection à virus A (H1N1) entre le 23 avril et le 11 août 2009.
Sur 25 décès de femmes entre 15 et 44 ans, 8 concernaient des femmes enceintes ou en post-partum
Parmi ces 239 patientes, 94 étaient enceintes et 8 dans le post-partum immédiat (moins de 2 semaines). Cette surreprésentation des femmes enceintes n’est pas que le reflet de précautions particulières prises par les praticiens confrontés à une femme enceinte suspecte de grippe, mais également de la gravité des tableaux cliniques puisque 22 % des femmes enceintes ou en post-partum ont nécessité une admission en réanimation et que 8 sont décédées (contre 17 femmes non enceintes).
Le risque de formes graves est apparu majoré au deuxième et au troisième trimestre de la grossesse et dans le post-partum par rapport au premier trimestre de gestation (57 % des cas étaient au troisième trimestre de la grossesse, 37 % au second et 5 % seulement au premier).
De plus, les formes graves chez la femme enceinte ont paru être souvent facilitées par d’autres facteurs de risque puisque 34 % de ces femmes avaient également une pathologie favorisant les complications de la grippe (asthme dans 16 % des cas en particulier). Parmi les 18 femmes hospitalisées en réanimation, 12 ont donné naissance à 13 enfants (une paire de jumeaux). Aucun de ces nouveau-nés n’a nécessité de réanimation, ni n’a présenté de signes de grippe et tous ont survécus.
Un traitement tardif est un facteur de gravité
Un des facteurs de gravité mis en évidence par cette étude a été le retard à la mise en route d’un traitement antiviral (le risque relatif d’être admise en réanimation ou de décéder est apparu multiplié par 4,3 chez les femmes dont le traitement était débuté plus de 2 jours après le début des symptômes).
Cette étude a par ailleurs confirmé la négativité fréquente des tests de détection rapide de la grippe (38 % de faux négatifs dans cette série). Cette négativité a peut être contribué à retarder la mise en route du traitement et donc à accroître la morbi-mortalité. A cette occasion les auteurs rappellent que la décision de traiter par antiviraux un syndrome grippal doit reposer sur des critères cliniques et non sur les résultats d’un test rapide (sauf bien sûr dans les pays où, comme en France, le traitement est recommandé dans tous les cas).
Au total, tout en confirmant certaines données déjà connues, cette publication met l’accent sur le risque au cours du post-partum et sur la nécessité d’un traitement précoce. Les auteurs évoquent également un avantage potentiel de la vaccination des femmes enceintes : celui de diminuer considérablement le risque d’infection grippale pour la mère bien sûr mais aussi pour son enfant durant les 6 mois qui suivent la naissance.
Enfin, Janice Louie et col. soulignent le fait qu’avec une estimation à partir de ces données de 4,3 morts maternelles liées à la grippe A (H1N1) pour 100 000 naissances vivantes, il faut s’attendre à une augmentation significative de la mortalité maternelle dans les pays développés cette année (13,3/100 000 aux Etats-Unis en 2006 par exemple).
Louie Janice et coll.: Severe 2009 H1N1 influenza in pregnant and postpartum women in California. N Engl J Med 2009; publication avancée en ligne le 23 décembre 2009 (10.1056/NEJMoa0910444).