La cholangiographie peropératoire (CPO) systématique
Si la majorité des chirurgiens américains réalisent parfois la cholangiographie peropératoire (CPO) lors des cholécystectomies sous coelioscopie, peu d’entre eux la pratiquent systématiquement. Une minorité seulement pense qu’il s’agit là d’une erreur.
Selon une étude effectuée par le Dr. David R. Flum de l’université de Washington Seattle, 750.000 cholécystectomies sont réalisées chaque année aux USA mais seulement 27% des chirurgiens pratiquent de manière systématique la CPO. Les autres chirurgiens ne la réalisent qu’en cas de suspicion de lithiase de la VBP ( LVBP) ou de traumatisme de cette VBP ou s’il pensent qu’il existe un risque élevé de traumatisme de la VBP ( J.Am.Coll.Surg. 2008 ;207:821-30) .
Selon le Dr. David R. Flum (Fellow de l’American College of Surgeon) , ceux qui utilisent de manière sélective la CPO oublient qu’elle est ‘’l’équivalant de la ceinture de sécurité dans une voiture ou le fait de consulter une carte routière avant un voyage ou encore de prendre à 2 fois les mesures avant de couper ’’. C’est une des étapes qui permet de reconnaître l’anatomie de l’arbre biliaire et d’éviter ainsi un traumatisme qui est une des principales causes de mauvaise pratique incriminées contre les chirurgiens.
Pour la chirurgienne Sherry M. Wren également ACS Fellow, la CPO est devenue systématique depuis qu’elle a entraîné un traumatisme de la VBP lors d’une cholécystectomie, accident désastreux pour le patient et le chirurgien. Pour le Dr. Wren professeur de chirurgie à l’université de Stanford et chef de service de chirurgie générale au Veterans Affairs Healyh Care System Palo Alto (Californie), la CPO systématique (ou de routine) aide à identifier les anomalies des voies biliaires, permettant ainsi de modifier l’approche chirurgicale chez certains patients évitant ainsi les complications biliaires rapportées par les autres chirurgiens. Néanmoins elle reconnaît qu’elle est la seule chirurgienne à Stanford qui utilise de manière systématique la CPO.
De nombreuses études rapportent l’utilisation systématique de la CPO. Ainsi une étude australienne a rapporté une diminution de 50 % des traumatismes de la VBP par cette pratique entre 1988 et 1994 (Ann.Surg.1999 ; 229:449-57) .De même une autre étude rapportant une série de 30630 cholécystectomies laparoscopiques effectuées dans l’état de Washington entre 1991et 1998 note un taux de 61% plus élevé de traumatisme de la VBP lorsque les chirurgiens n’utilisent pas la CPO (Arch.Surg.2001 ; 136:1287-92).
Le Dr. Kurt Roberts de l’université de Yale (New Haven, Connecticut), bien que formé par le Pr. David R. Flum, n’utilise la CPO que dans 10% des cas lorsqu’il suspecte une LVBP ou un traumatisme. Pour ce chirurgien, il est difficile d’admettre que les chirurgiens qui réalisent la CPO de manière sélective aient un taux élevé de traumatisme de la VBP : les données rapportées proviennent le plus souvent de la première décade d’utilisation de la cholécystectomie laparoscopique lorsque les chirurgiens étaient en train d’acquérir la technique.
Pour le Dr. David W. Rattner, chef de service de chirurgie digestive auMassachusetts General Hospital et professeur de chirurgie à la faculté de médecine de Harvard, un autre adepte de la CPO sélective, la CPO n’est réalisée que s’il n’arrive pas à identifier clairement l’anatomie, s’il suspecte une LVBP ou si le tableau clinique du patient est inhabituel et qu’il veut avoir une iconographie de la VBP. Le taux de faux positifs en matière de LVBP conduit à la réalisation d’une CPRE abusive ce qui ne plaide pas pour la CPO systématique, selon lui.
Cette CPO systématique augmente la durée et le coût de l’intervention. Par ailleurs si la CPO systématique permet d’identifier un traumatisme de la VBP elle ne l’évite pas nécessairement.
Selon le Dr. D.R. Flum la CPO augmente de le coût de 100-200$ et la durée opératoire de 30mn voire moins si elle est réalisée en routine. Réaliser une CPO pour prévenir un traumatisme de la VBP n’entraîne pas nécessairement la réalisation d’une CPRE. Pour cet auteur, l’augmentation de la durée opératoire et du coût de même que les éventuels conséquences d’une CPRE ne sont que des nuisances comparées à un traumatisme de la VBP avec une augmentation significative du risque de décès, de mauvaise qualité de vie sans oublier le risque médico-légal pour l’opérateur. Les chirurgiens qui pensent pouvoir éviter le risque de traumatisme de la VBP en évitant d’effectuer la CPO chez les patients à bas risque se leurrent eux-mêmes.
La chirurgienne Sherry M. Wren est quant à elle pessimiste sur l’éventualité que les chirurgiens qui pratiquent la CPO sélective changent de camp et elle appréhende la tendance vers l’utilisation du single-port laparoscopy qui va entraîner une augmentation du taux de traumatisme de la VBP.
Sur près de 1411 chirurgiens affiliés à l’American College of Surgeon, plus de la moitié de 1030 d’entre eux ne réalisent la CPO que de manière sélective (J.Am.Coll.Surg. 2008 ; 207:821-30). Cette étude a également montré que c’est les chirurgiens qui réalisent peu de cholécystectomie qui pratiquent la CPO systématique. Le taux de traumatisme de la VBP est plus élevé chez les chirurgiens ayant une faible activité comparée à ceux ayant un fort volume d’interventions.
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Commentaires :
- En cas de plainte judiciaire après traumatisme de la VBP, l’absence de CPO peropératoire est considérée comme une faute en France selon le Pr. Samama (avis donné oralement lors de son séjour à Alger).
- En Algérie aucune équipe chirurgicale ne pratique la CPO systématique et très peu pratiquent la CPO sélective par faute de formation ou insuffisance de matériel (instrumentation et 2ème colonne de cœliochirurgie). C’est ainsi que le nombre de LVBP a diminué comme par enchantement avec l’introduction de la cœliochirurgie dans notre pays.
- Qu’en sera-t-il lorsque la justice aura à traiter un cas de traumatisme de la VBP après cholécystectomie laparoscopique ?