Le lymphome : Interview du docteur AHMIDATOU Hadjira
Le lymphome est un cancer qui se développe à partir des cellules du système lymphatique, c'est à dire un type de globules blancs impliqués dans les réactions de défense de l'organisme. Ce système regroupe la moelle osseuse, le thymus, la rate et plus d'une centaine de ganglions qui sont tous reliés les uns aux autres par des vaisseaux qui transportent un liquide transparent, la lymphe. C'est dans la lymphe que circulent les cellules de défense. Parmi elles, les globules blancs et les lymphocytes B qui fabriquent les anticorps.
A l'occasion de l'approche de la Journée Mondiale du Lymphome en date du 15 Septembre prochain, SantéDz s'est penchée sur la question.
SantéDz : Bonjour Docteur Ahmidatou Hadjira, vous êtes maître assistante en hématologie, service d’hématologie du CHU Béni Messous, tout d'abord, pouvez-vous nous dire ce qu'est un lymphome ?
Dr. H. AHMIDATOU : Le lymphome est un type de cancer du sang (hémopathie maligne). Il se développe au dépend des lymphocytes qui se trouvent au niveau des organes lymphoïdes (les ganglions, la rate, les tissus lymphoïdes associés aux muqueuses, la moelle osseuse). La transformation maligne de ces lymphocytes aboutit à la prolifération et à l’augmentation de volume des organes touchés (ganglions et rate).
SantéDz : Comment s'effectue le diagnostic du lymphome et combien de temps cela prend-t-il ?
Dr. H. AHMIDATOU : Le lymphome se révèle suite à l’apparition de ganglion (signe majeur) et / ou splénomégalie (augmentation de volume de la rate). Les ganglions peuvent être superficiels (cervical, axillaire, inguinal) ou profonds (intra-thoracique ou intra-abdominal). Le diagnostic de lymphome est histologique. Un ganglion, soit superficiel ou profond, est biopsié (enlevé chirurgicalement) puis il est adressé en anatomopathologie pour étude histologique et immunohistochimique (préciser le type de lymphome). Le temps entre le geste chirurgical pour la biopsie et l’étude anatomopathologique peut aller de 3 à 4 semaines.
SantéDz : Est-ce exact que Le lymphome est l'un des cancers les plus répandus chez les enfants ?
Dr. H. AHMIDATOU : Oui. Chez les enfants, le lymphome vient en troisième position dans la répartition des cancers après les leucémies et les tumeurs du système nerveux central. Le lymphome de Hodgkin est le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent.
SantéDz : Pourtant on n'entend rarement parler de ce type de cancer par rapport à d'autres tels que le cancer du sein, des poumons…etc., est-ce parce qu'il touche moins de personnes ou est-il seulement moins médiatisé?
Dr. H. AHMIDATOU : Contrairement à l’enfant, chez l’adulte, le lymphome n’occupe pas les premières places.
Les formes de cancer les plus fréquentes chez l’homme sont ceux du poumon, du colo-rectum, de la vessie, de la prostate et de l’estomac. Ils constituent 52,5% de tous les cancers masculins. Les cancers hématopoïétiques (du sang) représentent 10,4% d’après les données de l’INSP 2010.
Les formes de cancer les plus fréquentes chez la femme sont celles du sein, du colo rectum, de la thyroïde, du col de l’utérus, et de l’ovaire. Ils constituent 68,2% de tous les cancers féminins. Puis viennent les cancers hématopoïétiques qui représentent 5,4% d’après la même source déjà citée.
Cependant, le lymphome est le plus fréquent parmi les cancers du sang (les hémopathies malignes) dans notre pays.
SantéDz : Existe-t-il plusieurs types de lymphomes? si oui, leur gravité est-elle identique?
Dr. H. AHMIDATOU : Il y a plusieurs types de lymphomes.
Premièrement, Ils peuvent être classés en lymphome de Hodgkin (LH) et lymphome non Hodgkinien (LNH). Ces deux types se diffèrent par rapport au type de la cellule cancéreuse. Dans le lymphome de Hodgkin, nous retrouvons dans les organes atteints la cellule de Reed Sternberg qui est caractéristique de ce type. Tandis que les organes atteints de lymphome non Hodgkinien ne contiennent pas cette cellule.
Deuxièmement, le lymphome non Hodgkinien peut être classé en lymphome de type B et lymphome de type T. Il peut être classé aussi en lymphome de bas grade (indolent) et lymphome de haut grade (agressif).
Puis ces types, le lymphome B et T, ont plusieurs autres types et sous types.
Concernant la gravité, elle n’est pas la même prenant en considération ces différents types histologiques. En général, le pronostic du lymphome Hodgkinien est meilleur que celui du lymphome non Hodgkinien. Le pronostic du lymphome B est meilleur que celui du lymphome T. Mais, il y a d’autres critères qui rentrent dans l’évaluation de la gravité et le pronostic du lymphome comme l’âge, la présence d’autres maladies concomitantes, le stade du lymphome (extension), le volume ganglionnaire, la réponse à la chimiothérapie…
SantéDz : Quels sont les chances de guérison pour les personnes atteintes?
Dr. H. AHMIDATOU : Aujourd'hui, une guérison de 95% des lymphomes Hodgkiniens localisés et 70% des lymphomes hodgkiniens plus étendus est obtenue.
Dans les lymphomes non hodgkiniens, on est passé de 50% à 70% de rémission.
SantéDz : Ou en sommes-nous en Algérie, coté traitement (chimiothérapie, radio-immunothérapie) par rapports au pays développés ?
Dr. H. AHMIDATOU : Ces dernières années, il y a une amélioration de la prise en charge des patients atteints de lymphome. Les malades sont mis sous chimiothérapie et immunothérapie ciblée (anticorps monoclonaux) qui sont disponibles au niveau des services d’hématologie et d’oncologie. Les protocoles prescrits diffèrent en fonction du type histologique. La radiothérapie est indiquée en particulier dans les cas de lymphome de Hodgkin. Les malades reçoivent la radiothérapie mais les rendez-vous sont souvent loin !
SantéDz : Un mot pour la fin ?
Dr. H. AHMIDATOU : Pour les malades :
Avoir un lymphome n’est pas la fin du monde !
Possibilité d’obtenir une rémission voire même une guérison après traitement. Donc avoir une vie normale.
Pour les lecteurs :
La découverte d’un ganglion ne veut pas dire lymphome! Il y a d’autres causes d’augmentation de volume des ganglions et de la rate.
Les ganglions sont dans 90% des cas d’origine infectieuse chez les enfants.
La persistance d’un ganglion de plus d’un mois (passage à la chronicité) ou l’apparition de plusieurs sites ganglionnaires doit alerter le malade et le conduire à consulter afin de poser un diagnostic le plus précocement possible.