Le diagnostic précoce du cancer du sein, gratuit pour les assurées de plus de 40 ans
C’est l’information qu’on pouvait lire le 31/08/08, sur le quotidien national " Le Soir d’Algérie ". En dehors de l’effet d’annonce qui pourrait faire croire à une avancée dans la prise en charge de la localisation cancéreuse la plus fréquente en Algérie et dans le monde occidental, en qualité de praticien plusieurs questions méritent d’être posées.
1/ S’agit-il de diagnostic précoce ou de dépistage du cancer du sein ?
A notre avis, il s’agit plutôt de dépistage de toute anomalie mammaire chez les femmes de plus de 40 ans. En effet le diagnostic précoce d’une pathologie donnée et à fortiori du cancer n’est pas limité à une quelconque tranche d’âge mais c’est le but auquel aspire tout praticien pour toutes les pathologies qu’il est amené à prendre en charge.
2/ le choix du seuil inférieur à " plus de 40 ans " ?
Dans les pays occidentaux qui ont une politique de dépistage du cancer du sein, le dépistage commence une décennie plus tard, mais hélas au Maghreb et en Algérie en particulier cette affection touche une population nettement plus jeune ce qui expliquerai le choix du ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, mais où est située la borne supérieure ? Autrement dit, y a t-il un âge limite où ce dépistage va s’arrêter ?
De même choisir comme borne inférieure l’âge de 40 ans, rend l’interprétation des images mammographiques beaucoup plus difficiles car la glande mammaire n’a pas encore subit d’involution graisseuse. A-t-on pensé à former les imageurs ?
3/ la réalisation de 4 centres régionaux de scanning est-elle suffisante ?
Dans un pays, le lancement d’une campagne de dépistage ne devrait pas exclure une catégorie de la population : celles qui ne sont pas assurées. Certes, en Algérie, elles ne devraient pas être très nombreuses et surtout elles peuvent être prises en charge soit par leur commune d’origine, soit par le ministère de la solidarité ou celui de la santé. Le terme ‘’ gratuit’’ n’est d’ailleurs pas approprié pour les assurées sociaux puisque c’est l’argent de leurs cotisations qui est utilisé. Par ailleurs, 4 centres pour tous le pays sont-ils suffisants ?
Le choix des investigations a-t-il été fait ? (Mammographie seule, mammographie + examen clinique ou encore mammographie +examen clinique + échographie).
Un seul examen d’imagerie par femme ou deux examens réalisés et interprétés par deux imageurs différents ?
L’information des femmes concernées par le dépistage se ferait selon le ministère du travail par convocation. Pour celles qui travaillent cela serait possible mais pour toutes celles qui ne travaillent pas et qui sont assurées (car le mari, le père ou un tuteur travaille) comment les amener à réaliser le test de dépistage ? A-t-on réfléchi à l’importance de la communication, de l'information et de la sensibilisation de la population cible et de sa compliance ?
4/ Qui prendra en charge SELON LES REGLES UNIVERSELLES les cas dépistés (qui vont de la pathologie mammaire bénigne aux cancers) compte tenu des capacités actuelles de traitement! Chirurgie, radiothérapie, oncologie médicale) et de leur répartition sur le territoire national ?
5/ Un collège d’experts en sénologie et en épidémiologie s’est-il réuni pour validé cette méthode de dépistage ?
6/ En Algérie, un projet de dépistage du sein a-t-il vu le jour sans que les praticiens ne soient au courant ?
La ligue algérienne de Lutte contre le Cancer a monté un projet pilote de dépistage avec l’APC de Sidi M’hamed. Ce projet qui utilisera la télé-imagerie et la double lecture centralisée devrait démarrer en 2009 avec extension à d’autres régions comme Laghouat et Tizi Ouzou, viles qui disposent de mammographe numérique inutilisé faute d’imageurs formés au dépistage.
Devant le retard accumulé en matière de dépistage du cancer, cette initiative du ministère du travail est heureuse. Elle devrait néanmoins être entourée d’un maximum de précautions et s’inclure dans un projet national où toutes les compétences nationales sont impliquées , afin d’obtenir les résultats escomptés.