Intoxication par « la Pierre Noire » ( Paraphenylendiamine )
La Paraphenylenediamine ( PPD : C2H8N2 ) ou « pierre noire », dérivée de la Paranitro-analine, minéral hautement toxique utilisé en Europe comme teinture capillaire depuis 1863 d’où son nom de « takout roumia » ou « hadjra souda » a remplacé le « Takout » ou gale de Tamaris Orientalis d’origine végétale qui était utilisée autrefois par les femmes pour embellir leur chevelure . Il s’agit de cristaux incolores , s’oxydant rapidement à l’air (virant ainsi au bleu puis au noir ) .
Dans le Maghreb, l’Inde et le Pakistan, la PPD est toujours utilisée en association ou en remplacement du henné. Son intérêt réside dans la rapidité avec laquelle elle procure la couleur. La PPD est utilisée :
- Pour la fabrication de matières colorantes ;
- Comme révélateur photographique ;
- Dans l’industrie des chaussures et de la fourrure ;
- Comme appât pour tuer les chiens errants ;
- Comme colorant capillaire .
Si sur le plan international ,le SCCNFP (Scientific Committee for Cosmetic Products and Non Products) a réglementé sa concentration lorsqu’elle est utilisée comme ingrédient dans les tatouages et les teintures capillaires (teinture capillaire : PPD < 4 % ; combinée au peroxyde d’hydrogène PPD <2% ) , au Maghreb , malheureusement il continue à être commercialisé à l’état pur .
Dans les cas d’intoxication , la porte d’entrée , la plus fréquente , dans l’organisme est orale : le produit est ingéré sous forme de poudre , le plus souvent dilué dans l’eau . Mais elle peut également être cutanée, voire même oculaire à l’origine de blépharo-conjonctivite , uvéite , kératite et nécrose de la cornée .
La toxicité de la PPD va se traduire par :
- un syndrome oedémateux : brusque apparition d’infiltration oedémateuse de la face et des muqueuses et en particulier du larynx avec l’asphyxie qui en découle ;
- une atteinte musculaire : la PPD a un tropisme musculaire . Elle entraîne la peroxydation des lipides membranaires ;
- atteinte hématologique : possibilité d’hémolyse intravasculaire massive ;
- atteinte rénale quasi constante en rapport avec l’insuffisance circulatoire , la méthémoglobinémie et la CIVD , la rhabdomyolyse et l’hyperuricémie .
Sur le plan clinique , l’intoxiqué présente :
- un œdème du cou ;
- un oedème de la langue et une obstruction des voies aériennes supérieures ;
- un dépôt noirâtre au niveau des extrémités .
Sur le plan biologique , la rhabdomyolyse se traduit par :
- une élévation sérique des enzymes musculaires : LDH , ASAT, CPK ;
- une hypocalcémie ;
- une hyperphosphorémie et une hyperuricémie ;
- une myoglobinurie , une hypoalbuminurie et une acidose métabolique.
La PPD peut être détectée , dans le liquide de lavage gastrique , dans les urines , le sérum et les viscères ,par colorimétrie , chromatographie , spectroscopie et spectrophotométrie .
En face d’un intoxication par la PPD ,le traitement qui est avant tout symptomatique , consistera en :
- lavage gastrique ( efficace avant la 4ème heure ) ;
- trachéotomie d’urgence au tout début du syndrome asphyxique ;
- prévention de l’insuffisance rénale par la correction de l’hyperkaliémie ;
- correction de la volémie pour atteindre une diurèse de 2 à 3 cc/kg
- épuration extra-rénale si nécessaire ;
- maintient d’un équilibre hydro-electrolytique et acido-basique correct ;
- traitement de la méthémoglobinémie ( bleu de méthylène en perfusion IV et oxygénothérapie ) ;
- Aponévrotomie de décharge , si compression vasculaire .
Il n’y pas , à l’heure actuelle d’antidote
Entre 1993 et 2005 , son utilisation facile, sa grande toxicité et sa libre vente a permis au centre antipoison d’Alger de recenser 42 cas ( 27 femmes è 64%) touchant aussi bien l’enfant que l’adulte . La répartition selon l’âge , montre qu’il s’agit d’adulte jeune ( maximum de fréquence 21-40 ans ) .
L’origine géographique des intoxiqués montre une prédominance de cas de la wilaya d’El Oued .
La voie d’absorption est orale dans 91 % des cas, cutanée dans 9 % . Dans 65 % des cas l’intoxication est volontaire , dans 35 % elle est accidentelle. La mortalité de cette intoxication est très élevée : 40 %des cas en rapport avec :
- une installation rapide de la clinique ;
- une sévérité de la symptomatologie ;
- une méconnaissance de toxicité du produit ;
- une prise en charge tardive de l’intoxiqué.
Après décès , l’examen autopsique montre :
- une hyperglossie avec morsure de la langue ;
- un œdème laryngé sus glottique
- une importante congestion du foie et des reins avec début de lyse vasculaire .
L’intoxication par la PPD , de par sa gravité , son pronostic sombre , l’absence d’antidote doit faire réagir les pouvoirs publics afin d’interdire ou de réglementer sa vente.