Qu’est ce que l’Autisme, cette maladie dont on parle peu ?
L'autisme est un désordre neurologique grave caractérisé par un repliement sur soi qui limite considérablement la communication et l'interaction de l’enfant avec son entourage. La maladie débute généralement avant l'âge de 30 mois et le plus souvent, avant un an. Si l'enfant autiste témoigne d'un comportement normal durant les premiers mois de vie, il se désintéresse progressivement de son environnement. Le repli sur soi est typique de l'enfant autiste : il répond de moins en moins aux stimuli extérieurs. Même la présence de ses parents l'indiffère.
Les symptômes se manifestent durant les trois premières années de la vie de l'enfant. Ils sont divers et varient d'un enfant à l'autre, leur intensité pouvant évoluer, notamment avec l'âge : indifférence aux autres ou réactions bizarres ; comportements répétitifs et activités stéréotypées (agitation des mains, balancement du corps…) ; désintérêt pour les objets de son environnement ou utilisation non conventionnelle et stéréotypée ; mutisme ou langage inhabituel (répétition de mots ou de phrases entendus) ; peur du changement.
On peut regrouper ces symptômes de l'autisme en trois principales catégories :
Les aptitudes sociales : Ne répond pas à son nom ; ةvite le contact visuel ; Refuse les étreintes et les caresses ; Semble indifférent aux autres ; Préfère être laissé à lui-même, jouer seul en retrait dans son monde.
Le langage : Parle peu ou pas du tout ; Apprend tardivement à parler ; ةprouve de la difficulté à dire des mots et à formuler des phrases ; Utilise un ton et un rythme anormal pour s'exprimer. Parle parfois en chantant Ne peut débuter une conversation ou la poursuivre ;Tient un discours décousu qui fait souvent écho à des paroles qu'il vient d'entendre ;Répète textuellement des mots ou des phases, mais hors contexte.
Les comportements : Fait des mouvements répétitifs (des balancements, des torsions des mains, etc.) ; Adopte des routines et des rituels spécifiques ; Réagit très vivement à la moindre perturbation. Par exemple, le simple fait de déplacer un objet qu'il aurait disposé d'une certaine façon peut provoquer une crise émotionnelle intense ; Peut s'automutiler en se frappant la tête contre les murs ou en s'arrachant les cheveux, par exemple (en étant insensible à la douleur) ; Peut être hyperactif ; Fixe son attention sur des détails. Une roue qu'il fait tourner peut capter son attention durant un bon bout de temps, par exemple ; Fait parfois preuve d'une aptitude inhabituelle dans un domaine spécifique - en musique ou en mathématiques, par exemple. Environ 50 % des savants souffrent d'autisme tandis que 5 % à 10 % des autistes font preuve de génie dans un domaine ou un autre.
La possibilité qu'un autiste devienne autonome dépend largement des symptômes qui l'affectent ainsi que de leur gravité. Certains malades voient leurs symptômes s'atténuer avec le temps et peuvent éventuellement mener une vie normale ou à peu près normale. D'autres, en revanche, ne montrent aucune amélioration. Chez certains malades, il est également possible que les symptômes s'aggravent au moment de l'adolescence.
Quelle est la fréquence de cette maladie dans la population ?
En Angleterre, elle est estimée à 4 cas pour 1000 enfants. En France, l'autisme concernerait plus de 100 000 personnes (enfants et adultes confondus). En Algérie, certaines statistiques font état de 65 000 personnes atteintes par l’autisme. Au Maroc, la part de la population souffrant d'autisme est estimée à environ 60 000.D’une manière générale, on estime que l’autisme touche 1 enfant sur 150 et un garçon sur 95. En effet cette maladie touche 3 fois plus les garçons que les filles.
Quelles sont les causes de cette maladie ?
Les causes de l'autisme restent mystérieuses, mais quelques hypothèses ont, néanmoins, été avancées. On croit que l'autisme pourrait être lié à un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux, tels : un virus ; une toxine environnementale (métaux lourds tel que le plomb ou le mercure); une anomalie ou une lésion cérébrale; des taux anormaux de neurotransmetteurs (dopamine, mélatonine, sérotonine) dans le cerveau; des facteurs périnataux tels qu’un stress majeur vécu par la mère pendant la grossesse, particulièrement entre la 24e et la 28e semaine ; la naissance par césarienne, un petit poids à la naissance ou une malformation congénitale voire même le fait de fumer pour une femme enceinte .
Des causes génétiques on également été avancées : dans certaines maladies chromosomiques, la fréquence de l’autisme est très élevée : c’est le cas du syndrome de Prader-Willy, du syndrome d’Angelman, de l’X fragile, de Rett, de la neurofibromatose et de la sclérose tubéreuse de Bourneville. Les chromosomes incriminés sont le 2 et le 11. En faveur de cette origine génétique, c’est le rapport garçons/filles qui est identique dans tous les pays, la probabilité de développer un autisme qui est de 60 à 90 % chez les vrais jumeaux, le risque plus élevé d’avoir un autre enfant autiste lorsqu’on a déjà eu précédemment un enfant autiste. Il semble qu les anomalies génétiques soient des mutations génétiques spontanées et non une prédisposition transmise sur de nombreuses générations. Enfin ces causes génétiques ne sont retrouvées que dans ¼ des cas et dans les ¾ restants, aucune cause n’est retrouvée.
Traitements
Il n'existe pas de traitement curatif de l'autisme, ce qui n'empêche pas que les personnes avec autisme puissent bénéficier de traitements psychothérapeutiques en parallèle à une prise en charge institutionnelle, éducative et pédagogique.
Il faut que l'intervention éducative soit précoce et structurée .Les meilleurs résultats sont obtenus lorsque l'enfant bénéficie d'une prise en charge éducative et comportementale dès ses 2 ans.
L'intervention comportementale est très efficace pour traiter les troubles du comportement. Cela consiste habituellement à remplacer un comportement inadéquat par un autre, adéquat. Il est prouvé aujourd'hui que les personnes atteintes d’autisme ayant bénéficié d’une éducation structurée sont plus autonomes, moins médicamentées et plus intégrées dans la société que celles qui en ont été privées.
Lorsque l'enfant n'acquiert pas le langage verbal, il faut lui proposer des moyens alternatifs et augmentatifs de la communication (méthode PECS par exemple qui consiste pour l’enfant à remettre à son interlocuteur l’image de l’objet qu'il désire obtenir en échange.
Dans certains cas, avoir un animal de compagnie peut aider l'enfant autiste à développer son sens des responsabilités et certaines aptitudes sociales.
De même, la musique, utilisée depuis longtemps, dans le domaine de la psychothérapie, permet chez certains autistes de diminuer l’anxiété face à la réalité extérieure et améliore le comportement socio-affectif, voire même procure une meilleure confiance en soi.
Même s’il n’existe, pour l'instant, aucun traitement médical permettant de guérir l'autisme. Certains médicaments peuvent être utilisés, mais ils serviront à traiter un trouble associé tel l'épilepsie ou le syndrome d’hyperactivité. On utilise généralement des antipsychotiques pour atténuer les symptômes comme l'agressivité ou les comportements répétitifs, la fluotexine (Prozac) peuvent réduire l'anxiété.
Qu’elle est la prise en charge de cette maladie en Algérie ?
La prise en charge des autistes est actuellement très insuffisante et les parents vivent un véritable calvaire du fait de l'absence de structures adaptées à la prise en charge scolaire, éducative, sociale et thérapeutique de leurs enfants.
Dans le bilan et perspectives de la prise en charge thérapeutique des enfants et adolescents autistes, réalisé par le docteur Ould Taleb (hôpital de psychiatrie Drid Hocine, Kouba, Alger, Algérie) et publié sur la revue deNeuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, Vol 54 , 4 , 2006 ,ce médecin reconnaît que la pédopsychiatrie est le parent pauvre de la santé mentale en Algérie comme la psychiatrie est le parent pauvre de la santé publique d’une part et que la capacité totale sous forme d'hôpitaux de jour est nettement insuffisante face à une demande de soins exponentielle. Enfin, que le diagnostic des troubles autistiques se faisait tardivement entre l'âge de cinq à sept ans après souvent un échec scolaire alors que le dépistage précoce doit se faire en principe avant l'âge de deux ans car les troubles autistiques sont méconnus, aussi bien par la famille que par le personnel médicopsychologique. Ils sont souvent assimilés aux déficiences intellectuelles avec leur évolution péjorative vers un handicap mental fixe.Les troubles autistiques constituent un tiers des consultations ambulatoires et le principal motif d'hospitalisation. Il écrit par ailleurs :« La formation d'une équipe médicopsychologique constitue le problème essentiel car aucun élément de l'équipe n'a reçu une formation spécifique en pédopsychiatrie aussi bien les médecins, les psychologues, les infirmiers que les éducateurs ».
Devant l’absence d’institutions spécialisées, des associations de parents et de professionnels se sont créées pour aider les autistes et leurs familles dans la prise en charge éducative des enfants autistes et surtout sensibiliser les autorités à la mise en place de structures adaptées au niveau régional.
Parmi ces associations de parents d’autistes, on peut citer :
- L’association Besmet El Amel d’Alger, présidée par le docteur Meksen Lynda.
- L’association Wafa, créée à Constantine en 2004, et présidée par madame Boufama.
- L’association des enfants autistes ‘’AEA’’ présidée par madame Nouri, association qui a reçu son agrément en 2007 et qui est l’instigatrice de plusieurs manifestation de sensibilisation à cette maladie.
- L’association des parents d’enfants autistes qui vient de se créer à Oran et qui attend encore son agrément.
L’absence à ce jour d’institution spécialisée fait que la plus grande partie des enfants autistes est prise en charge exclusivement par la famille. Certes, la famille a un grand rôle à jouer dans la prise en charge mais les parents ne sauraient remplacer l’équipe médicopsychologique qui elle seule peut aider ces enfants en fonction de leur degré de handicap, à mieux appréhender et à s’adapter à leur environnement pour pouvoir s’y épanouir de la façon la plus autonome possible, en vue d’une plus grande qualité de vie.
En septembre 2007, le ministre de la solidarité nationale a annoncé le lancement d’un centre spécialisé pour autiste au cours de cette année 2008. Ce centre sera réalisé à Baraki, (Est d'Alger) par le biais d'un financement privé, en collaboration avec le Canada qui prendra en charge l'enseignement des éducateurs,selon le ministre. Il s’agit là d’une excellente initiative, mais est-elle suffisante pour prendre en charge les 60 000 autistes répartis sur tout le territoire national ? En dehors des cas très grave qui nécessitent des hospitalisations prolongées, le traitement comportemental est réalisé en hôpital de jour avec la collaboration de la famille. Les enfants autistes des régions Est, Ouest et Sud du pays peuvent-ils réellement bénéficier de ce futur centre situé à Alger ? Ne devrait-on pas prévoir dès aujourd’hui la création d’autres centres régionaux, de même que la formation de psychothérapeutes et de pédopsychiatres spécialisés, avec l’implication des ministères de l’enseignement supérieur et de la santé ?
Jusqu’à l’heure actuelle, et en dehors d’études génétiques et moléculaires sur l’étiologie de cette affection, il n’y a pas de méthode miracle pour guérir totalement les enfants atteints d’autisme qui doivent absolument pouvoir bénéficier de centres spécialisés. Cette absence d’institutions spécialisées en Algérie entraîne un véritable gâchis. Chaque jour qui passe, l’autisme détruit des familles, alors qu’on pourrait atténuer les conséquences de cette maladie par une prise en charge adéquate.