Ne plus mourir en donnant la vie
La mortalité maternelle, c’est-à-dire la mort d’une femme au cours de la grossesse ou dans les 42 jours post-partum, de cause directement ou indirectement liée à la grossesse, préoccupation déjà prioritaire au moins depuis la Safe Motherhood Conference de Nairobi de 1987, a été inscrite en 2000 au rang des priorités du Millénaire, avec pour objectif une réduction du ratio de mortalité de 75 % à l’horizon 2015. Mais les insuffisances de données, leur variabilité quantitative et qualitative selon les pays, et dans le temps, la sous-estimation des morts maternelles mise en évidence par certaines études, voire l’absence de recueil des données de mortalité dans des pays aux plus faibles revenus, rendent difficiles les évaluations et le suivi.
Un nouveau groupe de travail a donc été créé en 2006, sous l’égide notamment de l’OMS, de l’UNICEF, de l’UNFPA (United Nations Population Fund), et de la Banque mondiale, afin d’améliorer les méthodes d’estimation, de réévaluer la mortalité maternelle en 2005 et d’analyser les tendances évolutives de cette mortalité depuis 1990. Les estimations obtenues viennent d’être publiées [1].
Le nombre estimé de morts maternelles dans le monde en 2005 est de 535 900, soit un ratio de mortalité maternelle de 402 décès (216-654) p. 100 000 naissances vivantes. La plupart de ces morts maternelles ont eu lieu en Afrique sub-saharienne, où le nombre de morts maternelles a été estimé à 270 500 (50 % des morts maternelles recensées dans le monde), et en Asie : 240 600 morts maternelles (45 % des morts maternelles recensées dans le monde). Près de la moitié des morts maternelles survenues dans le monde se concentrent dans 5 pays : l’Inde, le Nigeria, la République démocratique du Congo, l’Afghanistan, et l’Éthiopie.
Le ratio de mortalité maternelle varie fortement selon les régions, allant de 9 p. 100 000 naissances vivantes dans les pays développés à 905 p. 100 000 naissances vivantes en Afrique sub-saharienne. Il varie plus fortement encore d’un pays à l’autre : de 1 p. 100 000 naissances vivantes en Irlande (8 p. 100 000 en France) à 2 100 p. 100 000 naissances vivantes en Sierra Leone.
Une réduction annuelle significative, de 2,4 %, du ratio de mortalité maternelle a été notée, entre 1990 et 2005, dans les pays dont le ratio de mortalité maternelle initial était inférieur à 200 p. 100 000 naissances vivantes (p < 0,0001), tandis que dans les pays ayant des ratios de mortalité atteignant ou dépassant initialement 200 p. 100 000 aucun déclin significatif n’a été observé au cours de la même quinzaine d’années d’étude.
Près de 536 000 femmes sont mortes en 2005 de par le monde, d’avoir donné la vie, dont 99 % dans le monde en développement. Pourtant, souligne l’auteur d’un commentaire accompagnant cette étude, publié dans le même numéro du Lancet, il est possible de réduire significativement, et de manière irréversible, la mortalité maternelle, en donnant réellement accès, à toutes les femmes, partout dans le monde, à des services, essentiels, de santé consacrés à la reproduction, avant, pendant et après la grossesse [2].
L’auteur de ce commentaire, Madame Thoraya Ahmed Obaid, Directrice exécutive de l’UNFPA, Secrétaire générale adjointe de l’ONU, insiste aussi sur l’urgence à promouvoir une toute autre vision celle d’un monde où No woman should die giving live .
- Hill K et coll., pour le Maternal Mortality Working Group. Estimates of maternal mortality worldwide between 1990 and 2005: an assessment of available data. Lancet 2007; 370: 1311-9.
- Obaid TA. No woman should die giving live (Commentaries). Lancet 2007 ; 370 : 1287-8.