GIST avancés, l’imatinib ne doit pas être arrêté
Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GISTs) sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes du tube digestif avec une incidence de 500 à 1000 cas par an en France. Ces tumeurs sont caractérisées par des mutations activatrices des récepteurs tyrosine-kinase KIT (75-80%) ou PDGFRA (5-10%).(1) L’imatinib est actuellement le traitement de référence en adjuvant et dans les formes avancées.(2-4) Les survies médianes des patients avec une GIST métastatique ou localement avancée traités par imatinib sont de l’ordre de 50-55 mois.(3,4) Des résistances secondaires surviennent chez 15 à 20% des patients par an, le plus souvent par acquisition d’une mutation de résistance à l’imatinib.(5) Les auteurs ont déjà rapportés dans une 1ère publication qu’en cas de GIST bien contrôlée, l’interruption de l’imatinib après 1 an de traitement était associée à une progression rapide de la maladie (médiane 6,1 mois), et que la réintroduction de l’imatinib permettait de réobtenir un contrôle de la maladie dans 90% des cas.(6) Dans cette étude, les auteurs ont évalué si l’imatinib pouvait être arrêté chez les patients bien contrôlés après 3 ans de traitement.
Les patients dont la GIST était contrôlée (réponse complète ou partielle, stabilité) après 3 ans de traitement par imatinib à la dose de 400 mg/j ont été randomisés entre la poursuite du traitement et une interruption de celui-ci. Une évaluation par scanner était réalisée tous les 3 mois. Dans le groupe interruption, l’imatinib était réintroduit en cas de progression de la maladie, à la dose de 400 mg/j.
434 patients ont été inclus entre 2002 et 2009 dans cette étude, et 50 patients ont pu être randomisés à 3 ans, 25 par bras. Parmi ces 50 patients, 18 avaient une réponse complète, 25 une réponse partielle et 7 une stabilité de la maladie. Les mutations de KIT ou PDFGRA ont pu être recherchées chez 2 patients : KIT exon 11 n=28, KIT exon 9 n=2,KIT exon 17 n=1, pas de mutation n=1.
Après un suivi médian de 35 mois, une progression était survenue chez 21 patients (84%) du bras interruption et chez 7 patients (28%) du bras poursuite (p<0,0001). La survie sans progression était significativement plus longue dans le bras poursuite (p<0,0001) avec des taux de survie sans progression à 1 an de 32% [IC 95% : 15-50] dans le bras interruption et de 92% [IC 95% : 72-98] dans le bras poursuite.
Parmi les 21 patients du bras interruption ayant eu une progression après arrêt de l’imatinib, celui-ci fut repris chez 20 patients avec un contrôle de la maladie à 3 mois dans tous les cas. L’interruption puis la réintroduction de l’imatinib ne semblait pas associée à une augmentation du risque de résistance secondaire, les survies sans progression n’étant pas statistiquement différentes entres les 2 bras (événement = 2ème progression dans le bras interruption, après réintroduction de l’imatinib).
Les survies globales étaient similaires dans les deux bras avec des taux de survie à 2 ans de 92% dans le bras poursuite [IC 95% : 72-98] et de 96% dans le bras interruption [IC 95% : 75-99] (p=0,588).
En conclusion, ces résultats à 3 ans, après ceux rapportés à 1 an, démontrent que l’imatinib ne doit pas être arrêté chez les patients avec une GIST avancée, au risque d’une rapide progression de la maladie. En dehors d’effets secondaires difficilement supportables, l’imatinib doit être continué jusqu’à progression. Ces résultats obtenus en cas de GIST avancée soulèvent la question de la durée du traitement par imatinib en situation adjuvante. Dans l’étude princeps, la durée de traitement adjuvant était de 1 an mais deux autres études dont les résultats sont attendus ont évalué d’autres durées de traitement : l’étude de l’EORTC 62024 compare deux ans d’imatinib à une simple surveillance, et l’étude SSG XVIII compare 1 an versus 3 ans d’imatinib. Compte tenu du très mauvais pronostic des patients avec une GIST réséquée à haut risque, dont les survies se rapprochaient de celles des patients avec une GIST avancée dans les séries historiques, il est vraisemblable que la durée de traitement adjuvant par imatinib devrait être prolongée dans le sous-groupe de patients avec une GIST de haut risque de récidive.
> Le Cesne A, Ray-Coquard I, Bui BN, et al. Discontinuation of imatinib in patients with advanced gastrointestinal stromal tumours after 3 years of treatment: a open-label multicentre randomised phase 3 trial. Lancet Oncol 2010;11:942-949.
1. Rubin BP, Heinrich MC, Corless CL. Gastrointestinal stromal tumour. Lancet 2007;369(9574):1731-41.
2. DeMatteo RP, Ballman KV, Antonescu CR, et al. Adjuvant imatinib mesylate after resection of localised, primary gastrointestinal stromal tumour: a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2009;373(9669):1097-104.
3. Blanke CD, Rankin C, Demetri GD, et al. Phase III randomized, intergroup trial assessing imatinib mesylate at two dose levels in patients with unresectable or metastatic gastrointestinal stromal tumors expressing the kit receptor tyrosine kinase: S0033. J Clin Oncol 2008;26(4):626-32.
4. Verweij J, Casali PG, Zalcberg J, et al. Progression-free survival in gastrointestinal stromal tumours with high-dose imatinib: randomised trial. Lancet 2004;364(9440):1127-34.
5. Debiec-Rychter M, Cools J, Dumez H, et al. Mechanisms of resistance to imatinib mesylate in gastrointestinal stromal tumors and activity of the PKC412 inhibitor against imatinib-resistant mutants. Gastroenterology 2005;128(2):270-9.
6. Blay JY, Le Cesne A, Ray-Coquard I, et al. Prospective multicentric randomized phase III study of imatinib in patients with advanced gastrointestinal stromal tumors comparing interruption versus continuation of treatment beyond 1 year: the French Sarcoma Group. J Clin Oncol 2007;25(9):1107-13