Traitement par GH chez les enfants avec un syndrome de Prader-Willi
Le syndrome de Prader-Willi (PWS) est marqué par une petite taille, une hyperphagie avec obésité, un hypogonadisme, des problèmes psychologiques et de comportement majeurs. Ce syndrome est lié à une absence d’expression de la région q11-q13 sur le chromosome 15, soit du fait d’une délétion, soit du fait d’une disomie uniparentale ou d’une translocation chromosomique.
Parmi les symptômes observés, la scoliose est très fréquemment observée. Définie par l’existence d’un angle de Cobb (entre les bords supérieurs et inférieurs des 2 vertèbres extrêmes de la courbe) vu sur les radiographies standard de la colonne vertébrale, de plus de 10°, sa prévalence varie suivant les études, de 30% chez les enfants de moins de 10 ans à 80% chez les enfants de plus de 10 ans, en tout état de cause un chiffre nettement supérieur à celui observé dans la population pédiatrique hollandaise par exemple, qui est de 2,7%.
On distingue en réalité 2 types de scoliose au cours du PWS ; l’une appelée de type Courbe en C associée alors le plus souvent à une hypotonie majeure et des problèmes neuromusculaires et l’autre de type simple, idiopathique. La première forme est la plus fréquemment observée chez les jeunes enfants tandis que la seconde l’est plus chez les enfants plus âgés. Dans ce contexte, l’intérêt d’un traitement par GH est posé depuis plusieurs années ; en améliorant la masse musculaire, on peut s’interroger sur l’opportunité d’un tel traitement qui a de plus prouvé son intérêt en améliorant les capacités psychomotrices et en diminuant la masse grasse. Cependant, des études par le passé ont démontré que la GH avait un effet néfaste sur l’âge de survenue de la scoliose mais aussi sur la progression de celle-ci. C’est pourquoi l’existence d’une scoliose est souvent considérée comme un frein à l’introduction d’un traitement par GH chez ces enfants.
Cette étude hollandaise a cherché à apprécier les conséquences d’un tel traitement par GH sur l’âge de survenue mais aussi la progression d’une scoliose préexistante. Il s’agit d’une étude prospective, randomisée versusplacebo, menée entre 2002 et 2008, au cours de laquelle initialement 104 enfants ont été inclus. Les enfants ont été séparés en 3 groupes ; celui des enfants de moins de 3,5 ans, celui des enfants prépubères entre 3,5 et 12 ans et des enfants pubères définis par leur stade de Tanner. Ces enfants étaient tous naïfs pour la prise d’un traitement par GH. Ces enfants étaient ensuite randomisés dans un groupe GH, à la dose de 1mg/m2 avant la puberté ou un groupe placebo tandis qu’en période péripubertaire le traitement par GH pouvait aller jusqu’à la dose de 1,5 mg/m2. En 2008, 38 enfants de moins de 3,5 ans avaient accompli une année de traitement tandis que 44 enfants de moins de 12 ans et 9 en période péripubertaire avaient été traités pendant 2 ans. Au total donc 91 enfants furent analysés.
Au début de l’étude, 36% des enfants avaient une scoliose avec un angle de Cobb de 19° comme médiane. La prévalence de la scoliose augmentait avec l’âge tout comme la tendance vers la scoliose idiopathique plus fréquente chez les enfants plus âgés. Le BMI des enfants prépubères ou pubères était plus élevé que celui des jeunes enfants tandis que le taux d’IGF-I basal était plus élevé chez les enfants prépubères que pubères.
Entre les 2 groupes de traitement il ne fut pas observé de différence sur les paramètres anthropométriques. Le traitement par GH a d’une façon attendue induit une augmentation des taux d’IGF-I avec une croissance accélérée au cours de la première année de traitement. Le BMI des enfants traités a diminué mais de façon non significative au terme des 2 années de traitement.
Concernant la scoliose, chez les enfants jeunes de moins de 3,5 ans, aucune différence ne fut notée en ce qui concerne l’âge de survenue de la scoliose et la progression de celle-ci. Le taux d’IGF-I ne fut pas retrouvé associé à une modification de la courbe de progression de la scoliose.
Chez les enfants prépubères, là encore aucune différence ne fut notée à 12 et 24 mois entre les enfants traités ou non par GH en ce qui concerne la survenue de la scoliose et la progression de celle-ci. De la même façon, le taux d’IGF-I n’a pas été retrouvé associé à une modification de la progression de la scoliose. Enfin, en ce qui concerne le petit groupe d’enfants pubères, sur 9, 3 avaient une scoliose avant leur entrée dans l’étude sans modification sous traitement et parmi les 6 sans scoliose aucun cas de scoliose ne fut décrit sous traitement.
En conclusion, cette étude, extrêmement rigoureuse dans sa méthodologie, n’a pas retrouvé de différence entre les enfants traités par GH et ceux non traités en ce qui concerne la survenue de la scoliose en terme d’âge, la progression de celle-ci et un lien avec le taux d’IGF-I. Ainsi, parallèlement à un effet bénéfique sur la masse musculaire, la diminution de la masse grasse, la croissance chez les enfants avec PWS, le traitement par GH s’avère comme non néfaste sur les paramètres de scoliose. Il n’existe pas d’argument pour dire que la scoliose est une contre-indication à la mise en route d’un traitement par GH. Enfin, quelque soit la décision thérapeutique, la forte prévalence de la scoliose au cours de ce syndrome impose un examen clinique régulier et un dépistage radiographique annuel.
Lind van Wijngaarden RF et al. Randomized controlled trial to investigate the effects of growth hormone treatment on scoliosis in children with Prader-Willi syndrome. J Clin Endocrinol Metab. 2009;94(4):1274-80