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Cancer de la prostate : dépister ou ne pas dépister, that is the question !

Cancer de la prostate : dépister ou ne pas dépister, that is the question !

Cancer de la prostate : dépister ou ne pas dépister, that is the question !Le dosage des PSA (Prostate-Specific-Antigen) a été mis au point en 1988. Depuis cette date cet examen a été de plus en plus souvent utilisé dans le monde pour le dépistage du cancer de la prostate (KP) chez les hommes de plus de 50 ans. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, plus de la moitié de la population masculine au-delà de cet âge se soumet à ce dépistage régulier, isolé ou associé au toucher rectal. Mais, paradoxalement, ce dépistage s’est rapidement répandu sans que son intérêt en terme de mortalité n’ait été démontré par aucune étude méthodologiquement incontestable. En effet si le dosage systématique des PSA doit bien permettre un diagnostic plus précoce des KP, rien ne prouve, jusqu’ici, que cette précocité se traduise en allongement de la durée de vie. De plus certains estiment même que la balance bénéfice risque du dépistage est négative du fait des effets secondaires liés aux examens à visée diagnostique (biopsies) et surtout aux traitements de KP qui sans le dépistage n’aurait peut-être pas fait parler d’eux.

76 000 hommes de plus de 55 ans suivis durant 7 ans

Cette incertitude a conduit à des divergences dans les recommandations des Sociétés savantes ou des autorités de santé en particulier aux Etats-Unis. Ainsi l’American Urological Association et l’American Cancer Society optent pour un dépistage systématique tandis que tout récemment l’US Preventive Services Task Force s’est prononcée contre ce dépistage.

Le New England Journal of Medicine publie aujourd’hui les résultats à long terme de deux études randomisées de très grande ampleur sur ce thème qui étaient destinées à trancher le débat.

Le travail américain, qui est la branche « prostatique » de l’essai PLCO (pour Prostate, Lung, Colorectal and Ovarian Cancer Screening Trial) est le plus homogène (1). En synthèse 76 693 hommes américains de 55 à 74 ans ont été randomisés entre un dépistage systématique et une prise en charge usuelle. Dans le premier groupe un dosage de PSA était proposé tous les ans durant 6 ans et un toucher rectal annuel durant 4 ans. En cas de suspicion de KP (toucher rectal positif ou PSA supérieur à 4 ng/ml) des examens complémentaires (biopsies notamment) étaient pratiqués en accord avec le malade. Dans le groupe contrôle, un dépistage était possible sans être recommandé. L’observance a été bonne dans le groupe dépistage avec 85 % des dosages réalisés. Dans le groupe contrôle le pourcentage de dosage des PSA est passé de 40 % la première année à 52 % la sixième (il ne s’agit donc pas d’une population vierge de tout dépistage).

Plus de cancers dépistés mais une mortalité identique

Après 7 ans de suivi 2 820 KP ont été diagnostiqués dans le groupe dépistage et 2 322 dans le groupe contrôle soit 22 % de plus avec un intervalle de confiance à 95 % (IC95) entre 16 et 29 %. Le stade tumoral au diagnostic était comparable dans les deux groupes mais le pourcentage de KP ayant un score de Gleason entre 8 et 10 était plus élevé dans le groupe contrôle. Mais malgré ce nombre de diagnostics plus important, la mortalité par KP a été similaire dans les deux groupes : 50 décès dans le groupe dépistage et 44 dans le groupe contrôle (NS). Les données à 10 ans, qui sont complètes pour 67 % des sujets, donnent des résultats similaires.

Des complications liées aux biopsies ont été à déplorer dans 68 cas pour 10 000 (infection, hémorragie, thrombose, troubles urinaires).

Comment interpréter ces résultats ?

Plusieurs explications (favorables au dépistage) peuvent être avancées pour expliquer cette absence d’avantage en terme de mortalité par KP : le seuil de 4 ng/ml de PSA est peut être trop élevé, l’effet favorable du dépistage a pu être masqué en partie par le nombre élevé de sujets bénéficiant d’un dosage de PSA dans le groupe contrôle, l’amélioration des traitements du KP au fil des années a pu gommer une différence éventuelle de mortalité, un suivi plus prolongé pourrait mettre en évidence un intérêt du dépistage comme le laisse espérer la diminution des diagnostics de KP de grade Gleason élevé. Mais il est également possible que le dépistage n’ait effectivement pas d’intérêt en terme de mortalité et que dans ces conditions les risques supplémentaires induits par le dépistage inhérents aux surdiagnostics, aux biopsies et aux traitements (incontinence, dysfonction érectile) conduisent à ce que la balance bénéfice-risque du dépistage soit négative.

Etude européenne : une mortalité diminuée mais trop de surdiagnostics

L’étude européenne publiée dans le même numéro du New England Journal of Medicine avait une méthodologie moins homogène et globalement un peu différente (dosage de PSA tous les 4 ans notamment) (2). Elle a inclus dans plusieurs pays du continent 162 243 hommes de 55 à 69 ans. Après un suivi médian de 9 ans, l’incidence du KP a été de 8,2 % dans le groupe dépistage et de 4,8 % dans le groupe contrôle. Mais contrairement à ce qui a été observé dans l’essai américain, 112 décès par KP de moins ont été dénombrés dans le groupe dépistage soit une baisse de la mortalité relative par KP de 20 %. En d’autres termes 1 410 hommes ont dû être dépistés et 48 traités pour prévenir une mort par KP. La question de savoir si cet avantage en terme de mortalité contrebalance les complications et la perturbation de la qualité de vie inhérentes aux très fréquents surdiagnotics n’est pas tranchée par les promoteurs de l’étude.

Que faire en pratique ?

Quant à l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, à la lecture critique de ces deux études, il conclut que le dépistage n’a au mieux qu’un effet modeste sur la mortalité tout en entraînant à coup sûr des effets secondaires graves liés à des surdiagnostics ce qui implique, pour l’instant, une grande prudence dans l’établissement de recommandations (3). 

Notre point de vue sur le dépistage sera peut-être modifiée lorsqu’il sera possible de déterminer de façon simple quels seront les KP dépistés qui vont rester quiescents et ne nécessitent donc pas de traitement agressif et quels sont ceux qui sont évolutifs et pour lesquels une prise en charge médicochirurgicale apportera un « plus » réel. Dans cette attente et dans celle des résultats à plus long terme de ces études et d’autres essais en cours, le choix du dépistage doit peut-être résulter d’un débat éclairé entre le praticien et chacun de ses patients et non de l’obéissance à un dogme.

1) Andriole G.L. et coll. : Mortality results from a randomized prostate-cancer screening trial. N Engl J Med 2009; 360: 1310-1319. 
2) Schröder F.H. et coll.: Screening and prostate-cancer mortality in a randomized european study. N Engl J Med 2009; 360: 1320-1328. 
3) Barry M.J.: Screening for and prostate cancer. The controversy that refuses to die. N Engl J Med 2009; 360: 1351-1354.


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